Aller voir un film de Jacques Audiard, c’est difficile de se tromper : ce sera un bon film. Mais ce n’est pas aussi évident, ce n’est pas forcément une promenade de santé: il nous emmène là où on ne préférerait pas regarder, il nous montre la vie telle qu’elle est, il nous reflète tels que nous sommes, sans détours. Un prophète m'a laissée éperdument émue et sans voix.
Nous suivons ici Malik dès ses tous premiers pas dans l’univers carcéral. On ne sait pas d’où il vient, on ne comprend pas vraiment pourquoi il se retrouve là, on devine qu’il est illettré, on remarque les profondes cicatrices sur son dos.
Mais Malik est loin d’être une victime innocente. Certes les décisions auxquels il se retrouve confronté sont régis par la loi de la prison et donc lui échappent complètement, mais il n’est pas tout blanc. Agressif, calculateur plus que débrouillard, revanchard, il reste pourtant touchant : il est humain !
En effet, ce n’est pas un film qui encense la prison en aidant les illettrés, ni qui la descends en modelant les jeunes en futures malfrats ; ce n’est pas un film sur les gangs rivaux, ni sur le racisme en milieu carcéral ; ce n’est pas un film sur le pouvoir possédé par les détenus sur l’extérieur ou le contraire ; ce n’est pas un film sur la difficulté de survivre en prison ou à la prison… C’est tout en même temps. A l’image de la vie, nous n’avons pas qu’une seule option, comme nous n’avons pas qu’une seule facette. Nos choix reposent sur des éléments extérieurs incontrôlables : au gré des rencontres, malgré les obstacles, en tenant compte de nos fantômes. Où on apprend ici que pour mieux avancer, il faut les écouter.
‘L'idée, c'est de sortir un peu moins con qu'on est en entrant’ sophisme de son ami Ryad.
Tahar Rahim incarne Malik, une gueule d’ange qui la cache parfois sous des airs de Mesrine. On retrouve à ses côtés Niels Arestrup - le père dans De Battre Mon Cœur S’est Arrêté – ici, un parrain de la mafia corse qui détient les rennes de la centrale. Un parrain qui s’accroche désespérément au pouvoir qu’il représente. Leur interdépendance rend le lien frêle mais intense alors que tout les oppose.
Mais attention, Un prophète n’est pas juste un croquis sombre de la vie en prison. L’atmosphère est à mi-chemin entre Les Evades et Animal Factory : les traits d’humours qui le zèbrent contrastent avec le camaïeu de gris en toile de fond pour nous bouleverser d’autant plus.
Primé à maintes reprises, Jacques Audiard nous avait apporté en tant que ‘Un Héros Très Discret’ avec Mathieu Kassovitz, ‘Sur mes lèvres’ avec Vincent Cassel et ‘De Battre Mon Cœur S’est Arrêté’ avec Romain Duris. En 1999, il avait conquis la France avec le scénario de ‘Venus Beauté (Institut). Cette année, il remporte le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes ‘Un Prophète’.
Un avantage d’être scénariste avant d’être réalisateur c’est qu’il sait faire ressortir les émotions, en mêlant le bon moment, le bon acteur, le bon dialogue, le bon mouvement de caméra…
N’oublions pas non plus qu’on lui doit aussi le clip de Comme elle vient de Noir Désir. Le fameux clip avec les sourds-muets qui débute sur « 13% aux européennes, 15% aux présidentielles… Il vaut mieux être sourde que d’entendre ça ».Je ne résiste pas à l’envie de le redécouvrir avec vous :
Pour info la bande annonce du film ‘Un Prophète’ :
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