Avec comme contrainte l'autoportrait du Descendeur et suite au billet expliquant ce qu'est un oulipo :
La patate Chaude
Le soir où je suis allé au jeudi de l'Oulipo sous l'impulsion-Initiative de gwordia , j'ai assisté à un exercice de style tout à fait hilarant autour de l'autoportrait : Le descendeur où tour à tour les auteurs ont remplacé le skieur par un séducteur, un psychanaliste ou une caricature de fonctionnaire. Le tout avec un humour tout à fait délicieux ..
ça s'apelle une patata chaudas .. :) Et mille excuses à ceux qui ne sont pas taggé, je sens bien qu'ils sont déçus.. n'hésitez pas à vous joindre à la purée toute chaude.
Enfin oui je sais je suis censé le faire .. mon texte sera mis en commentaire d'ici 24 heures... juste un problème de temps, désolé. à vous !
Autoportrait de la patate bouillie.
Mon métier consiste à me faire balancer de casserole en saladier le plus vite possible. En de très brefs instants je peux créer des cloques sur la main qui me rattrape, c'est un métier d'homme. D'abord parce qu'à plusieurs dans la casserole on peut sortir en premier d'une casserole qui nous emprisonne. Ensuite parce que celui qui se fera balancer le plus vite ne finira pas en purée.
C'est un métier de légume.
Mon métier est patate chaude
Il y a la patate douce, la grosse patate, la patate rouge ou la patate Mc Caïn, la pomme de terre braisée, en robe de chambre et puis il y a Moi.
Je serai aux prochains jeux olympiques et cette année-là c'est moi qui aurais la médaille d'or.Je suis la patate la plus équilibrée du faitout, la plus calme la plus en retenu dans cette eau instable, mon rôle consiste à fabriquer du déséquilibre.
Toutes les grosses patates fabriquent du déséquilibre.
Bouillir plus vite c'est d'abord bouillir autrement; de façon à semer l'inquiétude et le doute. Faire peur. Bouillir de telle manière que les autres soient persuadées que vous ne tiendrez pas le coup de fourchettes, jusqu'à ce qu'une génération entière de patate boue comme vous.
Dans une vie de patate bouillie, on ne peut inventer qu'une seule et unique manière d’être molle.
Les techniciens sont arrivés avec les pommes de terre aux micro-ondes avec la réputation d'être chaude bouillante. Deux diners plus tard il mettait tous des films en plastique dessus.
Maintenant il y a moi.
Être une grosse patate est un état qui exige un don absolu de soi-même et une concentration totale. Je boue à temps plein. Je boue sur les plaques chauffantes électriques en plein hiver, les plaques à induction me font rougir en toute saison. Je vis avec un paquet de beurre à portée de main pour mieux rissoler. Je souris à la Tefal et au four à chaleur tournante parce que je sais qu'ils m'aident à être brulante. Je colle la peau à la casserole parce que je sais qu'elle m'aidera à être intenable.
Prenez deux pommes de terres à égalité de poids et de robe, dans la même casserole, mettez-les à côté l'une de l'autre et c'est toujours moi qui boue le plus vite.
Les rissolées en petits cubes Je le fais mille fois par semaine. La cuisson en robe de chambre, je les fais chaque soir avant de me coucher. Je sais toutes les façons d'être bien chaudes avec ou sans beurre. À des vitesses de cuisson de 3 minutes.
Je me prépare aussi pour des cuissons aléatoires que les hasards d'attributions des jeux olympiques des gosses patates nous imposent. Les plaques tordues qui permettent à une patate de devenir croquante et du coup champion du monde des patates.
Tout compte dans une carrière de bonne patate.
Un jour, l'essentiel devient la position angulaire dans la casserole. C'est l'angle de la patate qui fait la médaille. Vous avez correctement positionné la casserole au milieu du foyer, vous avez la poignée en bois pour ne pas se bruler. Vous vérifiez 14 fois que la bouteille de gaz. Vous avez positionnez comme il faut la patate appuyé sur les bords. Et avez perdu 10° parce que vous avez oublié qu'un bout de tubercule sortait de l'eau bouillante.
Quand je dors je suis en robe de chambre, en me faisant manger je brule la langue. Quand je suis dans le panier à légumes je médite au moment où je vais cramer une paume de main. Et me tortille pour user les moindres de mes protubérances.
Lorsque je tombe dans l'eau bouillante, il libère des tonnes de patience à poireauter là, comme une patate. Il ne reste plus que dans l'eau moi et l'eau frissonnante et une main prête ou pas à se faire bruler.
C'est la règle.
Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos de la patate.
Vous avez passé le rinçage, et l'oubli au fond du panier. Vous avez évité l'oubli et le tubercule qui vous déclassent définitivement. Il fait beau l'eau est claire.et vous faites cette minuscule erreur au moment de passer dans la passoire et vous faites cette minuscule erreur de trajectoire, cette petite faute stupide (qui n'est pas d'inattention puisque les patates chaudes ignorent l'inattention ) vous restez à l'intérieur de la patate et la main toujours prompte d'ordinaire à saisir la patate brulante reste béate d'avoir échappée à la brulure. Et là 'est l'effet de l'élan qui vous tire quelques centimètres en dehors de la ligne idéale. Et la, c'est le vrai repos, le repos immense. Vous vous êtes écartés de deux centimètres puis très vite trois centimètres et la passoire. Plus rien n'a d'importance, vous n'êtes plus une patate, votre peau se décolle, votre esprit se libère, vous savez que vous allez vous écraser par terre comme une grosse patate.