Frost/Nixon est un film événement qui a beaucoup ému Hollywood par sa qualité et le débat qu'il ouvre sur une presse très affaiblie ces derniers temps et en marche forcée de reconversion.
La qualité de ce film est à distinguer largement de "W" d'Oliver Stone. L'enchaînement de film "présidentiel" est malheureux parce que les deux films et les objectifs poursuivis par leurs réalisateurs ne sont pas du tout les mêmes.
En fait, le débat actuel sur le journalisme citoyen est en plein centre de l'actualité. Frost-Nixon permet de remettre le journalisme d'investigation et l'influence de la télévision au centre d'une actualité faite de défiance, et de confrontation qui mène à un véritable débat de fond sur la liberté d'expression.
D'abord un petit point rapide sur le Watergate :
En 1970, l'opinion publique américaine subit des remous après une invasion du Cambodge très coûteuse en vies humaines, et provoquant des manifestations universitaires à travers tout le pays (voir "Kent state University" où la Garde nationale de l'Ohio tira sur des étudiants ). Richard Nixon, républicain, pense que l'opinion publique opposée à la guerre pourrait fragiliser sa réélection, ainsi des opérations menées par des "mercenaires" (les plombiers du CRP) discréditent tous les candidats des camps opposés. Le président Nixon arrive donc à ses fins et est élu triomphalement en 1972 comme le raconte assez maladroitement à mon gôut le "Nixon" d'Oliver Stone.
Cependant ces "plombiers" sont surpris par la police en train d'installer des micros dans le quartier général du Parti démocrate au début du mois de Juin 1971 dans l'hôtel du Watergate, un quartier de Washington.( google maps ici )
[edit] Les plombiers étaient composés de 5 personnes dont 2 cubains.
[edit] Les plombiers étaient composés de 5 personnes dont 2 cubains.
Deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward mettent en évidence l'implication de la Maison Blanche. C'est avec l'aide d'informations divulguées par "Gorge Profonde" ( se révélant être le N°2 du FBI, Mark Felt en 2005) et par des enquêtes très exhaustives que la relation directe entre ces "plombiers" et la Maison Blanche occupée par Richard Nixon alors à son premier mandat est faite. Le film All the President's Men (1976) avec Robert Redford et Dustin Hoffman retrace cette enquête avec une très grande fidélité.
Le scandale éclata après l'élection à son second mandat de Richard Nixon en 1972. La suite de l'histoire mène à la démission de Richard Nixon en Août 1974, à la suite de mensonges et de dénégations, qui se révélèrent être fausses grâce à des enregistrements des conversations faits directement dans le Bureau Ovale . Plus d'informations également sur cette note .
En 1977, un journaliste anglais David Frost interviewe pendant 12 séances de 2 heures l'ancien président Richard Nixon. Et c'est la base de la pièce écrite par Peter Morgan, le scénariste de "The Queen".La pièce est une libre adaptation de cette interview. Elle est jouée pour la première fois à Londres en 2005
CC Freewater
Assez rapidement, dès la deuxième représentation, cette pièce est sollicitée pour une adaptation. Le réalisateur de Apollo 13, Un homme d'exception et De l'ombre à la lumière; Ron Howard est de ceux-là. Ron Howard a été choisi parmi plusieurs réalisateurs : Martin Scorsese, Mike Nichols, George Clooney et Sam Mendes. Le tournage avec Ron Howard commence 5 jours après la dernière à Broadway de la pièce en 2007.
Le film est nominé aux Oscars à 5 reprises : meilleur réalisateur, meilleur montage, meilleur film de l'année, meilleur premier rôle ( Franck Langella ) , meilleure adaptation.. Le réalisateur a tout fait pour garder les acteurs d'origine, Frank Langella pour Richard Nixon et Michael Sheen pour David Frost. Michael Sheen qui, dans un style différent, joue Lucian dans la trilogie des Underworld :
Je ne crois pas qu'en France, on soit habitué à de telles performances d'acteurs, donc c'est probablement pour cela que je suis surpris. Ce qui me fait dire que le talent des acteurs anglo-saxon reste d'un niveau exceptionnel. Quoique .. Franck Langella trouve l'occasion avec ce film de prouver qu'il n'y a pas d'âge pour qu'un acteur puisse se révéler, et effacer l'image d'un Dracula de série B...
Voilà pour cerner un peu le film et son contexte. Je n'ai pas été exhaustif, et le sujet a beaucoup d'angles d'attaque. Voilà donc une première partie centrée sur l'aspect contexte de l'histoire et cinéma. La deuxième partie fera le lien avec le débat sur le journalisme. Ce film montre en effet comment le journalisme "amateur" s'inspire du journalisme d'investigation et comment certains animateurs peuvent donner une dimension populaire à des contenus "très sérieux".