Isaku a neuf ans, il vit au Japon, dans un petit village de pêcheurs, on ne sait ni très bien où ni très bien quand. Son père a vendu sa force de travail contre de l'argent, c'est donc à ce petit garçon, frère aîné, de prendre en charge la place de chef de famille pour aider sa mère. Le village est si pauvre que leur seul espoir pour améliorer le quotidien, c'est qu'un navire transportant des marchandises fasse naufrage. Un village où la vie est aussi cruelle que leur voeu de naufrages.
Ce roman est d'une douceur absolue, le rythme de la vie d'Isaku est très lent puisqu'il n'a qu'une activité : la pêche sur sa petite barque. On pourrait croire que suivre les saisons et les journées de pêche de ces familles japonaises, que regarder grandir Isaku, qu'attendre le retour du père... serait ennuyeux.
Mais pas du tout !
La lenteur et la répétition des saisons m'ont envoutée. J'ai lu comme hypnotisée. J'ai espéré le naufrage pour que tout le monde puisse manger à sa faim. J'ai frissonné quand Isaku devait rester sous la neige pour alimenter le feu pour fabriquer du sel. J'ai eu la gorge serrée en voyant la dureté avec laquelle la mère traitait sa famille.
C'est à la fois une poésie sans fin, un délice d'exotisme et un bonheur visuel. Les couleurs de la montagne qui changent avec l'automne, les techniques de pêche, les poulpes qui sèchent sur des fils devant les maisons, la cérémonie pour demander un naufrage, les repas sur les nattes... Tout est si bien décrit, si bien imagé, que j'avais l'impression de l'avoir vu de mes propres yeux et pas seulement dans mon esprit. Un pur moment de cinématographie et de mots doux.
Ce roman m'a fait l'effet d'un rêve mélancolique et nostalgique. D'une parenthèse irréelle qui laisse comme des traces de souvenirs, dont on ne sait pas bien s'ils sont des morceaux de rêves rémanants ou des événements effacés par le temps.
Naufrages
Akira Yoshimura
Acte Sud
7,50 EUR